4.11.05

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L’Automne à Dublin

J’attendais le 32B à Portmarnock. Le vent souffletait avec insistance entre mes côtes calcaires, repoussant de manière fort discourtoise la bruine sur mes lunettes. Dans le ciel, les mouettes fuyaient à tire d’aile vers les terres ; elles s’amusaient à caca-boudiner sur les passants en retard, en lançant des éclats de rires sonores et en se donnant de grandes claques dans le dos. Dans les fourrés boissonneux, les écureuils batifolaient, poursuivis par une vieillard à la longue barbe blanche agitant des trèfles.

Le 32B était en retard. Il était 7 h pétantes et alors que la cloche de l’église avait fini de les vesser avec une solennité empruntée, le bus ne se montrait toujours pas. C’était novembre, c’était triste à mourir. J’enfonçai les mains au fond des poches de mon imperméable, et je marmonnai une insulte que je façonnais depuis quelques minutes. La vieille dame au sac à main en peau d’escargot me jeta un regard outré puis retourna à l’attentive contemplation des tréfonds de sa vacuité matinale.

Au fond de la poche gauche, je trouvai un paquet de cigarettes. Presque rasséréné, j’allumai avec tout ce que j’avais de prestance humide une clope, en prenant soin d’exhaler suffisamment de fumée pour empoisonner la grincheuse héliciphobe. L’instant parut propice : le bus déboula du haut de la côte, en provenance de Malahide. Sous son impériale péremptoire, le chauffeur ralentit, puis, une fois à notre hauteur, dans une vianerie d’un goûteux et un vrombissement catharitique, il accéléra, laissant derrière lui des volutes de fumée bleu et ocre. Scandalisée, la mémé balança de rage son dentier dans le caniveau puis rentra chez elle en trépignant. On entendit dans le lointain le rire dément du chauffeur du 32B.

C’était l’automne à Dublin. Les bus n’en faisaient qu’à leur tête et les trains hibernaient déjà. La pluie se fit plus froide ; j’eus le sentiment étrange et pénétrant que la journée serait pénible. Je lâchai un autre juron, que j’avais gardé men vad fan tralalalère dans ma besace par principe de précaution. D’un pas hésitant, je traversai la chaussée et m’en allai, frissonnant et la goutte au nez. Deirdre kalonoù dizolo qui passait par là, plus chagrine que jamais, me dépassa sans me voir.

Je partis alors en baaaallllåde irlandaise. J’allais être en retard au boulot, mais j’aurais au moins vu du pays. Je partis vers l’ouest, dos au soleil boudeur, ar galon en berne.¶

 
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Comments

  1. "poursuivis par une vieillard"

    > moi aussi je viens foutre le bazar ! ;) (ou faut-il le lire avec l'accent ?)

    j'aime bien. c'est bourré d'humour. même les mouettes scato y ont leur place.

    So · 2005-11-04 22:31 · #

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